Napoléon III, l’empereur voyageur

Mercredi 26 février à l’Espace culturel, à 18 heures

par Rémi Dalisson, Professeur des Universités en histoire (retraité)

Il s’agit de comprendre comme un régime autoritaire s’imposa en France. Après un début de siècle troublé par une Restauration, une première révolution en 1830, un régime libéral et une seconde révolution en février 1848, Louis Napoléon Bonaparte est démocratiquement élu président de la République, largement sur son seul nom. Pour conforter son pouvoir et préparer le Second Empire, il utilise tous les ressorts d’une propagande moderne. Parmi eux, ses voyages en France et en Algérie sont essentiels. Devant des foules innombrables et des villes décorées, il s’y présente comme l’homme providentiel, sauveur du pays, protecteur des paysans comme des ouvriers qui entretien un lien direct avec le peuple permettant de court-circuiter les institutions. La mise en scène des voyages, fréquents dans le Vaucluse, avec les communes et préfets est spectaculaire pour séduire et la presse les présente comme la venue miraculeuse d’un chef aimant. L’empereur y allie modernité (photographie, usage du train, promotion du capitalisme social) et tradition (odes aux terroirs, religiosité, famille, virilité) sur fond de répression (emprisonnement des opposants). Ces déplacements d’un « homme-peuple » sont ensuite popularisés par une propagande frénétique. Ils incarnent un moment populiste qui séduit un pays peu alphabétisé et préfigure bien des régimes non-démocratiques du siècle suivant.

Professeur des universités, Rémi Dalisson est un élève de Maurice Agulhon, fondateur de l’histoire de la Marianne républicaine. Il est spécialisé dans l’étude des sociabilités et des politiques culturelles aux XIXe-XXe. Après avoir enseigné quinze ans dans le secondaire, il fait sa thèse sur les fêtes publiques entre 1815 et 1939 qui définit une « sociabilité festive », un lieu où se croisent des destins et se créent des solidarités sous l’œil de l’Etat organisateur. Son HDR pousse cette étude jusque sous Vichy, grand consommateur de fêtes nationales. Dès lors, il travaille sur les politiques symboliques permettant aux pouvoirs de se maintenir et d’accroître leurs audiences, mais aussi sur les rapports entre histoire et mémoire et les commémorations de guerre. Les voyages propagandistes synthétisent toutes ces notions au service d’un projet politique. Il publiera au printemps un ouvrage sur les voyages de Pétain, largement inspirés de ceux de Napoléon III.