LOURDE PARTERNITE ? 

 

Le prix Nobel de physique 2024 a été attribué à John Hopfield et Geoffrey Hinton, pour leur contribution au développement de l’IA.

 

Pourtant, Hinton, souvent qualifié de « parrain de l’IA », dit craindre les conséquences possibles de son invention (Philosophie Magazine, septembre 2023). D’autres scientifiques ont émis des regrets après avoir eu connaissance des effets de leur invention. Arthur Galston, qui a mis au point « l’agent orange ». Albert Einstein et Robert Oppenheimer n’imaginaient pas la terrifiante puissance de la bombe atomique avant août 1945. Einstein aurait dit vers la fin de sa vie : « si j’avais su, je me serais fait plombier ». Mais selon Jacques Ellul, philosophe critique de la technique, « l’avancée technique appelle toujours plus de technique ».

 

Ne doutons pas que même sans ces brillants scientifiques, d’autres chercheurs auraient pu trouver les mêmes résultats. Si la science progresse quelquefois par bonds, ceux-ci résultent aussi de l’accumulation de nouvelles connaissances, sortes de tremplins que des esprits plus éclairés et surtout plus synthétiques utilisent pour réaliser une avancée majeure. Autrement dit, un jour ou un autre, quelqu’un aurait abouti aux mêmes progressions.

 

Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une même percée soit due à plusieurs chercheurs et ce, à des temps très rapprochés. Exemple la théorie de l’évolution évoque le nom de Charles Darwin (1). Et pourtant, cette théorie fut également, mais indépendamment, développée par Russell Wallace (2). Les deux communications furent présentées à la société linnéenne de Londres le 1er juillet 1858. Deux ouvrages publiés ensuite indépendamment expliciteront la théorie (1,2).

 

Faut-il craindre les conséquences de la curiosité des humains ? Inutile ! cette curiosité n’est pas notre apanage exclusif. Emmanuelle Pouydebat (3) décrit avec passion les aptitudes à la découverte et les « astuces » débrouillardes observées chez de nombreux animaux, et pas toujours parmi nos plus proches dans la classification animale.

 

Il faudrait sans doute évaluer la balance « bénéfice/risque ». Mais actuellement le poids du bénéfice financier à court terme écrase celui des coûts possibles des dégâts collatéraux des découvertes et leurs retombées sur l’environnement et la santé des êtres vivants.

 

Que leurs intentions soient louables ou terriblement inquiétantes, les utilisateurs de l’IA atteindront plus vite leurs objectifs que ceux qui ne la maîtrisent pas.

 

Toutefois, selon Charles Pépin, le philosophe de France Inter, l’homme a – pour l’instant encore – une caractéristique que n’a pas l’IA, l’esprit : l’humour, le doute, l’hésitation, l’ambiguïté, la question indécidable du sens de la vie.

Christian Herbaut

 

1.De l’origine des espèces (1859)

2.The Malay Archipelago (1869)

3.Mes plus belles rencontres animales (2023)