Le pont d’Avignon, sa reconstitution en trois dimensions

Mercredi 28 mars à 18h à l’Espace culturel Patrick Fabre

par Marc Andrieu, chef de projet au grand Avignon

Obstacle difficile à franchir, fleuve large et puissant en aval de Lyon, le Rhône a longtemps servi de frontière naturelle. Jusqu’au XIXème siècle, y construire un pont était considéré comme une entreprise surhumaine. Au Moyen-Âge, seulement trois ponts permettaient sa traversée à partir de Lyon : le Pont de la Guillotière, le Pont Saint-Esprit, et le Pont d’Avignon.
Au XIIème siècle, Avignon était une ville de dimension modeste d’environ 6500 habitants. Le fleuve, principal axe commercial entre le nord et le sud de l’Europe, était alors une ressource fondamentale pour les villes. La construction d’un pont à Avignon permettait le contrôle des eaux et du trafic fluvial qui battait son plein entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe.
Le cours du Rhône a énormément changé depuis le XIIème siècle, période de démarrage des travaux du pont. Initialement, le tablier du pont était en bois, mesurait 920m et était constitué de 21 Piles et de 22 arches. Victime d’un changement climatique survenu juste après sa construction (le petit âge de glace) : le pont n’a pas résisté à la montée des nappes phréatiques qui ont déstabilisé les piles. Les embâcles et débâcles à la fonte de neiges emportaient régulièrement ses arches, les sources mentionnent plus d’une quinzaine d’effondrements, avec une accélération à partir du XVIème siècle.
Chantier perpétuel, gouffre financier, le pont sera laissé à l’abandon et sans entretien à la fin du XVIIème. Objet de fascination, célèbre dans le monde entier, le Pont d’Avignon provoque admiration et interrogation. De son histoire oubliée, émergent quatre personnages disparus dans les brumes du temps : un fleuve infidèle qui a changé mainte fois de lit, une tour solitaire orpheline d’un pont dont il ne reste qu’une splendide section privée de toute destination, et un saint énigmatique, Bénezet, initiateur du projet de pont.
Pendant 4 ans, un travail d’enquête interdisciplinaire sans précédent a réuni géomorphologues, historiens, archéologues et architectes, partis en quête des secrets du monument.
Cette communauté de chercheurs constituée afin de croiser les questionnements
et d’échanger les informations, donnera ainsi corps à une vision collective : une maquette numérique synthétisant en 3D l’ensemble des connaissances. En trois dimensions, pas d’approximation : l’architecture numérique, discipline constituant la colonne vertébrale du projet, s’est appuyée sur l’échographie sous-marine et des mesures géologiques.
Elle s’est également accompagnée d’une analyse historique rigoureuse interrogeant toutes les sources disponibles, jusqu’aux archives du Vatican.
La restitution numérique du pont d’Avignon dans son paysage fluvial a été en soi une aventure scientifique hors norme par l’étendue de l’espace et du temps explorée, par la diversité des savoirs concentrée, par la dimension légendaire de l’ouvrage et sa renommée internationale.


Marc Andrieu est chargé de mission patrimoine numérique pour l’agglomération du
Grand Avignon ; et en particulier chef de projet pour la valorisation du programme scientifique PAVAGE sur le pont d'Avignon 3d et responsable du comité de pilotage sur la voie verte numérique sur l'ile de la Barthelasse.